vendredi 29 avril 2011

Maitre Cheng Yen


Cette éminente nonne taïwanaise, créatrice de la Fondation bouddhiste de secours Tzu Chi, va recevoir le 24e prix Niwano de la paix, décerné par la Fondation Niwano pour la paix, basée au Japon.

Nominée pour le prix Nobel de la paix en 1993, Maitre Cheng Yen a reçu au fil des années de nombreuses récompenses pour son action auprès des déshérités, il est très dommage qu'elle reste quasiment inconnue en Occident.

Elle nait en 1937 dans une petite ville de Taïwan. Après la mort subite de son père en 1960 qui lui fait prendre conscience de la précarité de l'existence, elle quitte sa famille, abandonnant une vie confortable pour devenir nonne.

Elle se rase elle-même la tête (ce qui tout à fait hors de la tradition) pour devenir novice. En 1963, elle rencontre l'un des très respectés maitres du dharma de Taïwan qui consent à être son maitre, procède à son ordination et lui donne son nom du dharma Cheng Yen. Il lui enseigne de travailler pour le Bouddhisme et tous les êtres, un objectif qu'elle a toujours poursuivi.

Son charisme hors du commun attire très rapidement autour d'elle quelques disciples qui vivent à ses côtés dans la plus grande pauvreté. En dépit de leurs difficultés, Maître Cheng Yen s'en tient fermement à sa décision de ne rien accepter des autres, avec pour règle : un jour sans travail est un jour sans nourriture. Elles travaillent toutes très dur pour subvenir à leurs besoins et étudient le soir et la nuit.

Un jour, alors qu'elle rend visite à un disciple à l'hopital, elle voit sur le sol, les traces de sang laissées par une femme qui ne pouvait payer les frais médicaux requis pour une fausse couche. La douleur que lui cause ce sang est le catalyseur qui va la pousser à établir the Buddhist Compassion Relief Tzu Chi Foundation.

Un peu plus tard, trois nonnes catholiques viennent lui rendre visite. Elles reconnaissent que le Bouddhisme parle de compassion pour tous les êtres et que ses enseignements sont profonds. Toutefois, les catholiques construisent des hopitaux, des écoles et des églises dans les zones les plus reculées pour aider les pauvres. "Qu'est-ce que fait le bouddhisme" lui demandent-elles ? et le Maître ne peut répondre.

Les trente premières donatrices de la fondation sont des femmes au foyer qui donnent chaque jour 50 centimes (2 centimes d'euro) pour aider les pauvres. La fondation est officiellement établie en 1966. Elle compte à l'heure actuelle plusieurs millions de membres. Avec ses quatre missions majeures d'aide aux démunis, de soins médicaux, d'éducation et de culture, elle a construit des hopitaux, des écoles et aidé des millions de gens dans le besoin à travers le monde.

Maître Cheng Yen a permis à des millions de volontaires d'aider les autres de la façon la plus altruiste. Elle estime que la misère dans ce monde n'est pas seulement due à la pauvreté, mais aussi à un manque de sens à la vie. Et elle souligne que la vie qui a le plus de sens est celle qui est consacrée au service de ceux qui sont dans le besoin. C'est avec cette compréhension qu'elle est à la fois à la tête de la fondation et son guide spirituel.

Ses objectifs sont : purifier l'esprit, harmoniser la société, aider les pauvres et éduquer ceux qui sont plus prospères. Elle pense que l'amélioration de la société ne peut venir de la société elle-même mais de ses membres.

C'est par une croissance personnelle individuelle que des changements profonds sont possible à l'échelle de la société.
Maître Chen Yen voit l'individu comme un agent crucial du changement dont l'éveil résulte du développement de la compassion. Developper l'esprit du don chez les membres de la fondation est d'ailleurs d'une importance égale à l'utilisation du don lui-même.

A ce propos, il est intéressant de savoir qu'alors qu'elle luttait pour trouver des fonds en vue de terminer l'hopital qui était en construction, un philanthrope lui offrit une généreuse contribution qui excédait ce qui était requis. Or, Maître Cheng Yen déclina poliment son offre, en effet l'hôpital devait servir non seulement à sauver des vies, mais également à offrir à de nombreuses personnes la possibilité de donner. C'est ce même principe qu'elle a constamment appliqué à toutes les oeuvres de la fondation.

Précisément, construire l'hopital se révéla l'un des défis les plus difficiles pour elle. Comment pouvait-elle refuser une offre aussi généreuse à un moment où elle en avait le plus besoin ? Comment pouvait-elle décider même de chercher à construire un hôpital qui coûterait des millions, alors qu'elle n'avait rien ? C'est par la foi dit-elle, la foi que mes intentions étaient pures, la foi en moi-même et en les autres, et que dans le coeur de chacun(e) il y a un amour qui attend d'être éveillé……/

Source : Bouddhisme Au Feminin

vendredi 22 avril 2011

Maitre Cheng Yen : Un enseignement sur la compassion en action

Maitre Cheng Yen, ma question porte sur la façon de mettre la compassion en action... mais, s'il vous plait, permettez-moi d'abord de m'expliquer.

L'autre jour, après que je sois arrivée à Taïwan, nous étions au bord de la mer et nous avons vu un marchand ambulant qui vendait des saucisses qu'il cuisait sur place. A part le marchand, il y avait plusieurs clients qui mangeaient et parlaient tout en marchant autour du stand.

Il y avait là aussi un chien. Sa peau était mangée par la gale. Ses côtes saillaient sous sa peau nue. Il avait de grands yeux humides qui fixaient les saucisses pendant du rotissoir. Il humait le parfum, sa gueule ouverte révélait une langue rose humide de salive.

Quand le chien s'approchait, aucun des hommes présents n'hésitait à lui donner un coup de pied. Cela leur semblait une chose toute naturelle. Ils levaient simplement le pied et l'abattait sur le chien tout en riant et en se réjouissant de leur nourriture.

Cela devait lui faire vraiment mal, car le chien gémissait longtemps, une plainte qui venait du plus profond de son corps.

Maître, je partageais la misère de ce chien. Je pouvais sentir sa faim, sa douleur et son agonie. Je pouvais presque l'entendre demander : "Je ne suis pas un mauvais chien, pourquoi vous tous, vous me rejetez comme cela ? pourquoi aucun d'entre vous ne me donne-t-il pas un petit morceau de quelque chose ?"

Maitre, je voulais acheter des saucisses pour ce chien, mais j'étais retenue par des questions qui tournaient dans ma tête: qu'est-ce que les gens penseraient de moi ? Riraient-ils de moi ? penseraient-ils que je suis folle puisqu'ici, sur cette île, il y en a si peu qui se soucient de nourrir des chiens errants ?

Je n'ai rien fait pour aider ce pauvre chien. Je peux encore le voir dans mon esprit. Et son image ne va pas s'évanouir comme ça. Je me demande toujours ce qui lui est arrivé finalement, et quand ses souffrances vont-elles prendre fin. Et je continue à me détester pour ne pas lui avoir donné au moins le soulagement temporaire d'un bon repas.

Maitre, comment quelqu'un peut-il immédiatement traduire sa compassion en action sans se laisser retenir par toutes sortes de choses ?"
Chang Yen détacha son regard de mes yeux mouillés de larmes et répondit avec douceur : Traduire la compassion en action n'est pas le problème d'une seule personne, mais celui de l'humanité toute entière.
Quand une personne veut faire le bien, même si elle veut vraiment le faire, il y aura toujours des gens qui vont la critiquer. Les gens aiment critiquer et ils aiment montrer les autres du doigt — ces façons d'agir ne sont rien d'autre que des habitudes de l'espèce humaine.

Pour traduire la compassion en action, une personne doit être brave... elle doit être très brave.

Avec courage, elle doit entreprendre de vaincre les barrières psychologiques qui se dressent entre la compassion et l'action, et ne pas s'occuper des critiques et des points de vue des autres, mais faire ce qu'elle pense être juste et bien.

Après avoir fait le premier pas, elle doit tenir bon avec courage. Elle ne peut se permettre de perdre courage, elle doit au contraire le renforcer, parce qu'elle en aura besoin pour continuer sa tâche.

Dans ce monde, la souffrance est partout. En vérité, tous les êtres vivants souffrent... d'une façon ou d'une autre.

La souffrance et l'agonie que vous avez vu chez ce chien peut être facilement trouvée chez d'autres êtres. Le mauvais traitement qu'il a subi est celui que subissent beaucoup d'êtres vivants dans chacune des régions de ce globe.

Un bouddhiste respecte la vie elle-même, quelle que soit sa forme physique. Souhaitons qu'un jour vienne où chaque être humain voudra respecter les autres créatures vivantes.

mercredi 20 avril 2011

Master of Love and Mercy : Cheng Yen

 
Un ouvrage clair et documenté écrit par une disciple
du maître, Yu-ing Ching.

En première partie, elle interroge des disciples et des membres de la fondation Tzu Chi. Nous y découvrons peu à peu l'action et la personne lumineuse de Maître Cheng Yen.

Dans la seconde partie, l'auteure rencontre Maître Cheng Yen pour lui poser des questions d'ordre spirituel et la troisième partie nous permet de mieux connaitre sa vie avec la participation de sa mère.

dimanche 17 avril 2011

Joshin Sensei Bachoux - Confronté à la maladie, avancer avec joie sur le chemin du Bouddha

Confronté à une grave maladie, la vie bascule... de quelle manière les enseignements bouddhistes ou plus largement une pratique spirituelle peuvent aider à faire face au niveau mental, physique et dans le rapport aux autres.
Source :Bouddhisme au féminin


vendredi 15 avril 2011

Nonnes Zen Japonaises au XXe siecle

Nombreux furent les sujets de doléances des nonnes zen à l’aube du XXe siècle. Selon la réglementation de la tradition Soto, les femmes devaient porter uniquement la robe noire des novices ; elles n’avaient accès à aucun enseignement, fût-il laïque ou monastique ; elles ne pouvaient ni diriger un temple ni participer aux prises de décisions concernant leur tradition ; et leur formation de nonne était bien plus longue que celle de leurs homologues masculins, parfois trois ans de plus. Conscientes de l’aspect inéquitable de leur position, les nonnes japonaises choisirent néanmoins d’exprimer leur gratitude face à cette injustice qui leur offrait la possibilité de « polir la pierre », d’approfondir leur pratique et d’agir.


À partir de 1880, l’ère Meiji insuffla un vent de modernisation dont les courants de tradition et d’occidentalisation allaient créer maints remous et divergences dans le zen. Le gouvernement Meiji permit aux nonnes et aux moines de se marier. Les nonnes, qui n’avaient pas le droit de participer pleinement à la vie religieuse de l’école Soto, décidèrent de revenir à la tradition de Dogen et de renforcer son enseignement égalitaire du système monacal. Elles y puisèrent une stratégie de reconnaissance et les moyens de modifier les structures du pouvoir.

Quant aux moines, ils n’avaient nul besoin d’établir leur propre légitimité au sein de l’école Soto. Pour eux, il importait avant tout d’être modernes, de prouver qu’ils avaient toujours leur place dans une société en mutation. Ainsi, ils se firent prêtres chargés de famille : ils se mariaient et consacraient peu de temps aux monastères, élevant des enfants qui deviendraient plus tard les héritiers de leurs temples, une pratique encouragée par le gouvernement. Pour ces prêtres moines, il n’était pas question de faire fuir les laïcs avec le zazen ou les rigueurs de la vie monastique.

Cette modernisation de la vie monastique a pu faire croire que le zen de Dogen n’existait presque plus au Japon. C’est ignorer les monastères de nonnes de la tradition Soto, qui constitue la plus grande et la plus organisée des écoles de nonnes, avec mille femmes ayant reçu l’ordination et trois monastères de formation. Ces femmes continuent à porter la robe et à se raser la tête parce qu’elles se sont tant battues au cours des cent dernières années pour être traitées selon les directives de Dogen et pour obtenir l’égalité dans la vie monastique.

Dans le Zuimonki, Dogen disait : « Aucun moine, aucune nonne ne peut l’atteindre [Bouddha, Dharma] à moins d’avoir l’esprit de celui ou celle qui a quitté la maison. Un moine ou une nonne qui a l’esprit d’un laïque a deux fois plus de défauts. Leur attitude devrait être très différente. »

Pour celles qui revendiquaient un statut d’égalité pour les femmes, l’éducation constituait le principal obstacle. Hori Mitsujo, Ando Dokai, Yamaguchi Kokan et Mizuno Jorin créèrent donc un petit temple à Nagoya en 1904 afin de former des femmes à la pratique du zen et à l’éducation des laïcs. Elles revendiquaient ce droit en s’appuyant sur le titre de ni-osho (préceptrice bouddhiste) que leur avait décerné le responsable d’Eihei-ji – et ce, malgré les réglementations –, en raison de leur pratique qui était tout à fait exceptionnelle.

Ces quatre femmes, aussi intelligentes que dévouées, étaient très soutenues par leurs familles. Elles avaient établi leur temple à la campagne, au milieu d’une forêt de bambous. Huit enseignantes et vingt-deux novices vivaient là, dans deux pièces recouvertes de six tatamis et dépourvues d’électricité. Vivant dans un espace très restreint, elles se nourrissaient frugalement et disposaient de peu de livres.

De plus en plus de femmes se mirent à fréquenter le temple de Nagoya bien qu’il fût loin de tout, et Hori Mitsujo commença à se rendre dans un temple des alentours : elle venait chaque jour prier Kannon en vue d’un miracle permettant d’agrandir les locaux de la communauté. Un jour, un homme fortuné lui demanda quel genre de miracle elle attendait. Il lui offrit un terrain et des matériaux de construction. Les nonnes construisirent elles-mêmes leur école, qui fut détruite par un typhon en 1912, puis par un raid aérien en 1945. Les deux années suivantes, les nonnes furent unsui (nuages et eaux), privées de maison en attendant que se termine leur nouvelle construction.

Une nonne du nom de Kojima Kendo entra à l’école de formation de Nagoya. En 1925, Kojima, qui avait été ordonnée à l’âge de 12 ans, fut la première nonne à entrer à l’université de Komazawa, l’université Soto des enseignants supérieurs du zen.

« Nous ne permettrons pas au flot de l’histoire de nous arrêter et de nous laisser dans notre situation actuelle. Nous autres, femmes de monastère, nous devons aussi nous réveiller de notre sommeil profond. Nous devons réussir à atteindre notre destin premier. »

Kojima Kendo fut directrice de la Pan Japanese Buddhist Nuns Association qui avait pour devise :

Brillant comme le soleil Pur comme le lotus en fleur Le bien-être véritable Vient de la compassion De la sagesse De la libération

Elle voyageait debout, en train, des journées entières pour se rendre à de nombreuses rencontres et n’hésitait pas à taper du poing sur la table. En 1945, les conditions commencèrent à changer. Les femmes purent choisir parmi leurs disciples les héritières du Dharma et obtinrent l’égalité des diplômes. Elles purent se vêtir de robes aux couleurs appropriées et voter pour les questions de l’école Soto. Elles obtinrent le droit d’être élues à la tête d’un temple principal, ce qui était particulièrement important car cela signifiait qu’elles étaient soutenues par des laïques et disposaient désormais de ressources financières. Kojima Kendo fut la première nonne autorisée à diriger une cérémonie à Eihei-ji, au 700e service de la commémoration d’Ejo, mais il fallut attendre 1980 pour cela.

Aoyama Shundo, qui a écrit une demi-douzaine de livres sur le zen, dont Quiet Talk on Zen Tea, est devenue la nonne la plus célèbre au Japon. Elle devint abbesse à l’âge de 37 ans, et dirigea à Nagoya un institut formant les nonnes à l’enseignement supérieur du zen. Elle-même a consacré 15 ans à l’étude du zen.

La journée typique des femmes de ces trois monastères se déroule ainsi :
4 h 00 : réveil 
4 h 15 : zazen 
5 h 00 : chant des sutras du matin 
6 h 15 : nettoyage quotidien du monastère 
7 h 30 : petit déjeuner 
8 h 00-12 h 00 : cours, samu ou étude personnelle 
12 h 00 : déjeuner 
12 h 30-15 h 00 : cours, samu ou étude personnelle 
15 h 00 : thé 
16 h 00 : chant des sutras du soir 
16 h 30 : nettoyage du dojo 
17 h 30 : yakuseki, les restes du déjeuner 
18 h 00-20 h 00 : étude personnelle 
20 h 15 : zazen du soir 
21 h 00 : extinction des feux

De nombreuses femmes sont devenues nonnes au Japon au début de ce XXIe siècle. Elles sont à la recherche d’une vie plus profonde et plus riche de sens. Les écrits des nonnes de l’Inde antique (interprétés dans le Terigatha), du Japon moderne et des nonnes vivant maintenant en Europe et en Amérique possèdent une même qualité de recherche qui ne saurait être prise pour un désir de fuir la société.


« Elles y ont vu le moyen d’atteindre la réalisation de soi et y ont trouvé un champ plus large et plus intense où exercer leur activité mentale. Elles savaient que c’était cette vie-là qu’elles voulaient vivre avant tout. Le renoncement est considéré comme un privilège qui apporte également la liberté, la connaissance et la paix » (Terigatha).

Pour des femmes de tous pays et de cultures très différentes, la vie de nonne est riche de sens et les femmes continuent à contribuer de façon significative à la vie religieuse japonaise. En fait, pour de nombreux bouddhistes laïques, les nonnes Soto sont de véritables « trésors vivants » personnifiant le Dharma. De l’époque du Bouddha Sakyamuni, en passant par le premier bouddhiste ordonné au Japon au VIe siècle, jusqu’aux nonnes d’aujourd’hui, l’histoire des nonnes est riche de pertes et de succès, dans la dévotion à la Voie du Bouddha.

Les informations contenues dans cet article proviennent du livre de Paula Kane Robinson Arai, Women Living Zen, Japanese Soto Buddhist Nuns, Oxford University Press, 1999.
(Traduction française : Élise Poquet)
par Jade Reidy

Source : Buddha Channel

mardi 12 avril 2011

Joshin Sensei Bachoux - son parcours spirituel



Joshin Bachoux Sensei a découvert le zen il y a une vingtaine d'années, à Paris, avant de partir au japon. Là bas, elle a reçu l'ordination de moine de maître Moriyama, qui lui a demandé ensuite de retourner en France pour y enseigner la voie du Bouddha. Toujours joyeuse, souriante, elle dirige néanmoins son monastère près de Saint-Agrève, en Ardèche, avec discipline et fermeté. L'horaire est respecté à la minute près, tous les gestes réalisés avec une grande concentration. Joshin Bachoux Sensei applique scrupuleusement ce qu'elle a reçu de son maître, tout en l'ayant adapté au contexte occidental. << On n'utilise pas de baguettes pour manger, rit-elle, et on chante les sutra en français... Je n'ai pas envie que les gens viennent ici par exotisme, cela ne m'intéresse pas. On vient ici pour soi même. "

Pratique t on une voie comme le zen, pour soi même ou pour les autres ?

La pratique du Bouddha ne peut se concevoir qu'avec les autres et pour les autres. Le kanji qui signifie zazen symbolise deux personnages assis. Et " deux " en chinois ou en japonais veut dire " nombreux ". Dès lors qu'on se trouve sur la voie, on est ensemble, toujours ensemble. Dans ce monastère, chaque personne participe à tous les travaux. On ne travaille pas pour soi, mais pour les autres personnes qui vont venir plus tard ; et on peut vivre là grâce à ceux qui ont travaillé auparavant. Ainsi chacun est comme un maillon dans une chaîne, et cela permet de prendre conscience de ce qu'est un don. C'est important car nous vivons dans une société du " donnant donnant ", où tout est pris comme un dû. Pour moi, tout est comme un cadeau. Dans chaque chose qui arrive vers nous, tout l'univers a participé. Des gens ont travaillé pour que je mange ce pain, mais il y a eu aussi la terre, la pluie, le soleil... Le voir, agrandit notre coeur. On devient " relié ". Maître Dogen disait : " Avec le temps qui passe, les autres deviennent moi et je deviens les autres. " C'est la racine de la pratique.

 Donner c'est aussi recevoir!

C'est difficile aussi de recevoir, parce que cela nous engage envers l'autre. Quand on est moine, on n'a plus rien, à part le kesa reçu de son maître le jour de son ordination, des bols et quelques vêtements de travail. Il faut tout demander, on se trouve dans une dépendance totale. Bien sûr, nous dépendons tous les uns des autres. Mais d'ordinaire, nous essayons de ne pas le voir. Quand on est moine, il faut accepter cette dépendance et cela oblige à une grande humilité. Mais au début, on va avoir tendance à recevoir en faisant le tri. Comment accepter ce qu'on ne veut pas : les choses matérielles, mais aussi la vieillesse, la maladie, la mort ; les personnes qu'on n'aime pas ; les aspects de soi même qu'on n'aime pas ? C'est un grand travail avec soi même. Petit à petit, on apprend à recevoir tout ce qui nous est donné, avec gratitude et à exprimer cette gratitude avec des gestes. Etre moine, c'est apprendre cela. Si on ne possède plus rien, vraiment plus rien, la moindre petite chose qui nous est donnée devient extraordinaire.

  " La plus grande aide que puisse nous apporter un maître, s'est d'être le premier réceptacle de notre gratitude"

 Ce que vous appelez " l'ouverture du coeur " est pour vous important...

L'ouverture du coeur se fait pendant la méditation, lorsqu'on commence à lâcher l'ego et toutes ses criailleries dans notre tête. On s'aperçoit alors qu'on est relié à tout, que tout est là. Elle se fait aussi par les actes, pendant le samou zazen et samou ne sont pas deux choses séparées, ce sont deux formes d'une même réalité. Aussi l'ouverture du coeur n'est elle pas recherchée, elle se met en place naturellement parce qu'on a envie de dire " merci " . Pour moi cette reconnaissance s'est d'abord exprimée envers mon maître. Que mon maître existe, qu'il ait décidé de devenir moine, de transmettre l'enseignement, et que je puisse en profiter : je trouvais cela extraordinaire. La plus grande aide que puisse nous apporter un maître, c'est d'être le premier réceptacle de notre gratitude. Il rend possible cette gratitude, et, ensuite, elle s'élargit à tous les êtres…../
Interview par Georges Emmanuel Hourant,
Source : Extrait d'Actualité Religions N°28 – Voir le texte complet sur le site de la Demeure sans limites


Joshin Sensei Bachoux : partage de l'enseignement bouddhiste de l'interdépendance par la poésie

Poème
Novembre 2009

J’ai 100.000 vies parce qu’à chaque instant, ma vie se mêle à celles des autres ;
j’ai 100.000 vies, parce que chaque geste des autres me touche et change ma vie,
et que chacun de mes gestes change un peu leurs vies ;
que leurs souvenirs se croisent et s’entrecroisent dans mes rêves,
que chaque jour tout ce que je reçois est un peu leur offrande ;

J’ai des millions de vies, parce que le temps n’existe pas,
et qu’il y a à la fois aujourd’hui, hier et demain ;
des millions de vies pour avancer, apprendre, oublier, comprendre,
depuis l’amibe aspirée vers la lumière
à l’humaine aux rêves d’infini ;

J’ai une seule vie ;
une seule vie dans ce corps, une seule vie dans ce chemin,
tant de temps, si peu de temps,
sans savoir le commencement
ni la fin ;
sin equipaje -
sans bagages ;
mais accompagnée, toujours...

...100.000 vies...
des millions de vies...

Source :la Demeure sans limites

lundi 11 avril 2011

Joshin Sensei Bachoux - Journal de mon jardin Zen

Joshin Bachoux Sensei, nonne zen a fondé la Demeure sans limites, en Ardèche

Dans notre monde bruyant, stressé, agité ou trop rapide, qui n'aspire pas à cultiver son jardin intérieur ? Qui ne cherche pas un peu de calme et de sérénité ?c'est justement le propos de Joshin Bachoux, nonne bouddhiste, proche de la nature et du silence, qui propose cette démarche au fil de ses textes. Mais sans être hors du monde, avec ses fracas et sa fureur, elle invite à le regarder autrement.


Une manière neuve et originale d'y trouver de l'amour et un peu de sagesse. "Dans le silence du matin, juste avant l'éveil des oiseaux et des fleurs, c'est tout mon corps qui s'éveille. Dans le frémissement des branches, dans la danse des herbes, dans les feuilles mortes qui s'entassent dans le chemin, aussi, dans le renouveau du printemps et du sommeil de l'hiver, je suis. Dans le chant du monde, s'élève aussi mon chant, et mon chant emplit les rêves du monde, et il en sera toujours ainsi."

Source : Bouddhisme au feminin

Joshin Sensei Bachoux - Manger avec les bols

Joshin Sensei Bachoux nous expose la signification spirituelle du repas pris dans des bols dans le Zen. Recevoir avec gratitude tout ce qui est donné et donner à son tour. Garder l'essence de ce rituel appelé orioki tout en l'adaptant à la culture occidentale.